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Femmes séropositives, les « oubliées de l’épidémie »

Jeudi 01 décembre 2022

Comme chaque 1er décembre, la Journée mondiale de lutte contre le sida sera notamment l’occasion de rappeler que cette maladie reste la première cause de mortalité des femmes de 15 à 49 ans.

Si les traitements ont fait d’indéniables progrès, les femmes les supportent moins bien, font peu appel à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et restent facilement stigmatisées, comme le souligne le Dr Florence Brunel, praticien hospitalier en maladies infectieuses et tropicales et sexologue.

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Depuis 2003, les femmes diagnostiquées séropositives sont à 73 % issues de l’immigration selon l’étude « Femmes VIH+ en France : qui sont-elles ? », réalisée par France Lert, sociologue, économiste et épidémiologiste ANRS-MIE. 

Une tendance confirmée par le Dr Florence Brunel, praticien hospitalier en maladies infectieuses et tropicales et sexologue aux Hospices civils de Lyon. Elle explique : « Par le passé, nos consultations étaient très masculines et concernaient principalement des homosexuels. Mais l’épidémie s’est féminisée. On a évoqué le cas des femmes de plus de 50 ans qui présentent le risque de contracter le VIH plus tardivement par méconnaissance des messages de prévention qui ont surtout concerné les populations dites « cible » et parce qu’elles n’osent pas imposer le préservatif dans leurs nouvelles relations. Mais soyons objectifs : elles risquent surtout de contracter les autres IST comme la chlamydia ou le gonocoque ».

Les femmes séropositives sont surtout et pour deux tiers issues de l’immigration d’origine subsaharienne ou d’Afrique du Nord. Elles ont été contaminées sur le territoire français ou y sont arrivées en étant déjà contaminées principalement dans le cadre de relations hétérosexuelles. « Ces femmes ont une certaine méconnaissance de la pathologie et sont triplement stigmatisées en tant que femmes, migrantes et séropositives…

Elles intériorisent beaucoup plus cette séropositivité, n’en parlent pas et ne sont pas militantes même s’il existe des associations de femmes remarquables comme Ikambere à Paris ou Da Ti Seni à Lyon. Ce sont les oubliées de l’épidémie », souligne l’infectiologue.


Des traitements moins bien tolérés

Les femmes séropositives vivent mal avec le VIH et supportent moins bien les traitements. Elles développent plus d’effets secondaires que les hommes même si des progrès ont été réalisés ces dernières années. « Au début de l’épidémie, les femmes étaient sous-représentées dans les essais cliniques. Elles pouvaient alors présenter des effets indésirables car elles étaient surdosées et avaient des modifications corporelles avec les premières molécules. Elles développaient des lipoatrophies faciales (amincissement du tissu adipeux sous la peau) et se plaignaient d’accumulations au niveau de la poitrine », résume le Dr Brunel.

Elle précise : « Heureusement, il existe désormais des molécules un peu plus adaptées et moins agressives pour les femmes même si elles ont toujours des effets secondaires comme la prise de poids. L’observance thérapeutique est également compliquée chez les femmes car quand elles ont des effets secondaires, au lieu de les signaler à leur médecin, elles arrêtent le traitement », explique le Dr Brunel.

Autre constat, les femmes utilisent peu la prophylaxie pré-exposition (PrEP), un traitement médicamenteux qui empêche l’infection par le virus du sida chez les personnes séronégatives. « La PrEP a permis de faire baisser l’épidémie de presque 40 % chez les hommes homosexuels mais les femmes y ont peu recours en France. Je ne comprends pas pourquoi alors qu’elle est très demandée par les jeunes femmes africaines qui ne peuvent pas imposer le préservatif dans leur culture. Il est vrai qu’il existe des freins : la PrEP chez la femme doit être prise en continu, en raison de données physiologiques et pharmacologiques propres aux femmes, et pas à la demande comme chez l’homme. Le traitement est donc plus astreignant. D’autre part, les femmes séronégatives ne sont pas toujours au courant de la possibilité d’avoir accès au traitement préventif contre le VIH », souligne la sexologue.


Bien vieillir avec le VIH

Enfin se pose le problème du vieillissement des femmes séropositives qui ont souvent été très impactées par les premiers traitements antirétroviraux et par leurs effets secondaires et par l’exposition aux anti rétroviraux pris parfois pendant plus de 30 ans. « Nous sommes en terre inconnue dans ce domaine. Aujourd’hui la moitié des personnes séropositives ont plus de 50 ans et il y a une précarité marquante chez les femmes séropositives.Souvent, elles ont travaillé à mi-temps, ont été mariées et n’ont pas eu d’activité professionnelle. Certaines vivent avec les minimas sociaux et sont souvent isolées car elles n’ont pas pu avoir d’enfantsD’autre part, elles ont souvent des traitements qui sont coûteux et qui peuvent alourdir le coût de la journée dans les Ehpad. Quel va être le regard des professionnels dans ces institutions s’ils ne sont pas assez formés ? », analyse le Dr Brunel.

Et de conclure : « Nous avons fait un important travail de formation dans les maternités pour rassurer concernant la non-transmission du virus de la mère à l’enfant mais désormais c’est dans les Ehpad qu’il doit être fait. Le bien vieillir avec le VIH est devenu un véritable enjeu de société. »


Une surveillance médicale indispensable

Les femmes séropositives sont plus à risque de contracter des infections bactériennes et parasitaires mais pas seulement. Une femme séropositive a plus de chance de développer une infection à papillomavirus ou une ménopause précoce.

Elle doit donc être particulièrement prise en charge et suivie en gynécologie mais aussi en proctologie pour prévenir les cancers du canal anal. Les femmes séropositives ont également plus de risques de développer une ostéoporose après la ménopause et leur risque cardiovasculaire augmente avec l’âge.

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Comment en parler aux jeunes ?

Il n’est pas toujours aisé d’échanger avec un jeune sur le VIH. Il fait moins peur depuis que les trithérapies existent mais reste tout aussi dangereux. Si vous peinez à trouver les mots, bannissez les injonctions (« il ne faut pas », « tu dois ») qui ne fonctionnent pas chez les adolescents et inspirez-vous d’un film, d’un livre ou d’un fait tiré de l’actualité pour expliquer à votre enfant qu’il faut se protéger contre ce virus. 

En revanche, évitez de lui parler de sa sexualité qui est hautement taboue à cet âge ! Vous pouvez aussi l’aider à développer sa confiance en lui afin qu’il ait naturellement l’envie de se préserver mais ne lui imposez pas cet échange s’il n’en a pas envie. Dites-lui que votre porte reste ouverte s’il souhaite en parler mais respectez son intimité. Si votre adolescent se ferme « comme une huître » dès que vous abordez le sujet, n’hésitez pas à lui conseiller d’échanger avec une personne neutre. Une infirmière, un médecin scolaire ou éventuellement une association comme Sida Info Service pourront sans doute lui transmettre les informations nécessaires sans empiéter sur son intimité.

Sida Info Service : 0 800 840 800. Appel confidentiel, anonyme et gratuit.