"Les fossoyeurs" : le livre choc sur les Ehpad
Actes de maltraitance, course à la rentabilité, rationnement, le livre choc du journaliste indépendant Victor Castanet, Fossoyeurs, jette le trouble sur les maisons de retraite, Orpéa, numéro un dans le monde, dont le Directeur général a été limogé depuis. Plus largement, il relance le débat sur la dépendance et le grand âge. Le 1er février dernier, le Gouvernement a reçu le PDG du groupe.
S’il fallait un électrochoc, pour mettre en lumière la maltraitance dans certains Ehpad, c’est chose faite avec le livre de Victor Castanet, Fossoyeurs, publié chez Fayard. Ses révélations sur le leader mondial des maisons de retraite Orpéa feront, on l’espère, bouger les lignes. Et peut-être remettre à l’ordre du jour, le chantier de la loi sur le Grand âge promis par le Gouvernement et qui reste pour l’instant, aux abonnés absents.
"Les révélations sont absolument révoltantes et appellent à des sanctions de la plus grande sévérité" Gabriel Attal, Porte-Parole du Gouvernement
Maltraitance à tous les étages
Une hygiène qui laisse à désirer, un rationnement des repas, des produits hygiéniques, des personnels sous pression, des familles négligées, voilà le constat sans appel de Victor Castanet dans son livre-enquête sur les établissements Orpéa. Une maltraitance à tous les étages, observée dans ces maisons de retraite pourtant luxueuses, qui emploient 65 000 collaborateurs dans 1 100 établissements dans le monde (220 Ehpad en France).
Un livre qui fait grand bruit puisque la direction du groupe est convoquée par le Gouvernement, pour des explications. Brigitte Bourguignon, la ministre déléguée chargée de l’Autonomie des personnes âgées, a annoncé le lancement « d’une enquête flash », qui pourrait déboucher sur une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas).
Du luxe seulement en apparence
Les séjours sont facturés au prix fort (en moyenne 6 500 euros par mois pour une chambre d’entrée de gamme dans une résidence de Neuilly-sur-Seine).
Mais, le service n’est pas à la hauteur des attentes des résidents et des familles. L’auteur cite le cas de l’écrivaine Françoise Dorin, décédée en 2018, des suites d’une escarre mal soignée, moins de trois mois après son entrée dans un établissement Orpéa. Il évoque aussi les liens qu’aurait entretenus le groupe avec Xavier Bertrand dans les années 2000, alors qu’il était ministre de la Santé et du Travail. Dans son livre, le journaliste affirme que le groupe Orpéa aurait « siphonné l’argent public au détriment de ses pensionnaires ».
Quelle place pour les personnes âgées dans notre société ?
Les maltraitances existent dans tous les Ehpad et ne datent pas d’aujourd’hui. De nombreuses enquêtes ont déjà dénoncé les mauvaises conditions d’accueil des personnes âgées. L’association des directeurs d’établissements au service des personnes âgées (AD-PA) clame depuis des décennies, le manque de financement, de personnels dans ce secteur « qui crée une maltraitance systémique », d’après Pascal Champvert, le président.
Les élus de l’opposition n’ont pas manqué de dénoncer les « promesses non-tenues », d’Emmanuel Macron sur le sujet de la dépendance. En 2018, l’exécutif avait promis une grande loi sur l’autonomie, mais cette réforme s’est transformée en une série de mesures inscrites dans la dernière loi de financement de la Sécurité sociale. En 2050, 4 millions de Français de plus de 60 ans, seront en perte d’autonomie, soit 16% des seniors, contre 1 million et demi en 2022. Les plus de 85 ans seront trois plus nombreux qu’aujourd’hui.
Marilyn Perioli pour Viva Magazine