Un pas vers une éducation non sexiste
L’égalité entre les hommes et les femmes est un combat mené principalement dans le domaine social. Mais l’éducation non genrée ne s’est pas encore imposée, explique Manuella Spinelli, coauteure d’un ouvrage sur le sujet qui donne des conseils aux parents pour élever leur enfant librement.
L’éducation des enfants a longtemps été basée sur des représentations sexistes. Il n’y a encore pas si longtemps, les petites filles étaient ainsi volontiers habillées en rose et n’étaient autorisées à jouer qu’à la poupée, tandis que les garçons avaient droit à des couleurs moins tendres et à des jouets plus virils. Mais cette représentation schématique a vécu et les parents souhaitent désormais laisser le choix à leurs enfants.
« De plus en plus de parents se sentent concernés par l’éducation non genrée. C’est un sujet qui commence à être légitime pour les familles mais il existe un réel décalage avec les institutions. Dans les crèches et les écoles, il y a encore beaucoup de résistance et même d’inertie », explique Manuella Spinelli. Maîtresse de conférences à Rennes 2, et coauteure du livre Éduquer sans préjugés, elle évoque une opposition quasiment idéologique de la part des institutions et notamment de certaines mairies dont dépendent les crèches.
Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas uniquement les hommes qui sont à l’origine de cette frilosité à proposer une éducation non genrée. « Hommes comme femmes peuvent l’exprimer mais cette opposition se déclenche plus facilement quand on parle des petits garçons. Il y a plus de résistance au fait qu’ils acquièrent des compétences considérées comme féminines ou qu’ils jouent avec des jeux considérés comme féminins.
Le jeu de la poupée, par exemple, est considéré comme dévalorisant dans notre société. Un garçon qui s’approche du féminin n’est donc pas considéré comme un vrai garçon », explique Manuella Spinelli.
Des vêtements et des jeux genrés qui freinent le développement
Aujourd’hui, les combats autour de l’égalité entre les hommes et les femmes se concentrent autour de l’égalité sociale et du droit des femmes à disposer de leurs corps mais l’égalité passe aussi par l’éducation non genrée et l’importance de proposer des activités, des vêtements et des jouets non sexistes aux enfants. « J’aime bien imaginer l’égalité femme homme comme un puzzle dont chaque élément compte. Quand on raisonne en termes de système, on se rend compte que chaque bataille vaut la peine d’être menée.
Les jeux, par exemple, sont considérés comme peu importants car ludiques, alors qu’ils représentent une façon d’apprendre. Quand les enfants jouent, ils apprennent des codes, développent des compétences et apprennent à vivre ensemble. Par le biais des jeux, ils commencent à intégrer une série de règles sociales qu’ensuite ils vont mettre en pratique une fois devenus adolescents et adultes », note Manuella Spinelli, qui insiste aussi sur l’importance des vêtements non genrés.
« Les différences entre les vêtements des filles et des garçons ne sont pas qu’esthétiques mais ont aussi un impact sur la motricité. Les vêtements pour les filles sont beaucoup plus serrés et entravent la motricité, alors que les vêtements des garçons les accompagnent dans leur développement physique. »
L’éducation genrée pourrait donc, d’un certain point de vue, freiner le développement des enfants. « Elle pousse vers un modèle de masculinité ou de féminité. Si l’enfant n’entre pas dans un tel moule, il sera obligé de renoncer à une partie de lui-même », note la spécialiste des études de genre qui conseille aux parents se sentant concernés par la question de panacher les activités proposées à leurs enfants.
« Il faut leur ouvrir le champ des possibles, les inciter à explorer toutes leurs émotions et varier leurs livres. Je conseille aussi aux parents d’évoquer ce sujet auprès des institutions comme les crèches ou les écoles afin de permettre à l’éducation non genrée de sortir du cadre familial. Les familles ne sont pas les seules à éduquer les enfants », conclut Manuella Spinelli, qui milite pour que l’éducation non genrée devienne un sujet public.