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Prévention

« Identifier les causes du stress constitue déjà une partie de la réponse pour lutter contre ce phénomène »

Jeudi 19 novembre 2020

En septembre, la MMJ diffusait les résultats de son premier baromètre santé auprès des agents du ministère de la Justice, sur le thème : "La qualité de vie au travail" . Les résultats et enseignements qui en découlent sont mis en perspective dans 4 interviews d’experts Nous vous dévoilons en novembre cette série d'interview autour de 4 grandes thématiques, mettant en lumière l'analyse du baromètre santé par nos experts et leurs pistes pour améliorer la qualité de vie au travail.

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Antonio Da Silva, responsable de formation, Disp de Bordeaux

Cette semaine, Antonio Da Silva, responsable de formation à la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux, répond à nos questions sur le stress au travail, un thème très marqué dans notre enquête, face à un rythme de travail qui semble s'accélérer et cela pour toutes les professions. On fait le point.

Stress au travail : Interview d'Antonio Da Silva, responsable de formation à la Disp

La 1re édition du baromètre sur la qualité de vie au travail des agents du ministère de la Justice, lancé par la MMJ, laisse apparaître que 8 adhérents sur 10 s'estiment stressés au travail. Quelles réflexions ce résultat vous inspire-t-il ? 

Ce résultat ne m’étonne pas puisque nous vivons dans une société où tout s’accélère. Nous sommes dans l’ère de l’immédiateté permanente, ce qui implique de répondre aux justiciables dans des délais de plus en plus courts. Ce sentiment d’urgence est omniprésent et génère du stress. Du côté de l’administration pénitentiaire, qui manque toujours structurellement de reconnaissance, le rapport au stress a évolué avec le Covid-19. Avant l’arrivée de la pandémie, les surveillants devaient travailler dans un contexte de surpopulation carcérale - problématique sur laquelle ils n’ont aucune prise – et effectuer différentes tâches administratives sensiblement chronophages. Traçabilité des procédures, présence aux commissions internes, saisie d’informations, autant de contraintes qui, d’un côté responsabilisent les personnels de surveillance mais qui, de l’autre, réduisent inévitablement les temps d’encadrement et de gestion des détenus.

Avec la libération anticipée de quelque 13 500 détenus pendant le confinement, le taux de remplissage a retrouvé une moyenne nationale inférieure à 100 %, même si cette moyenne masque des réalités disparates selon les établissements. Mais la gestion de la pandémie et les risques sanitaires associés ont entraîné une autre forme de stress et n’ont évidemment pas mis fin aux conflits et aux violences physiques et verbales qui prévalent chez les détenus.
J’ajoute que la vétusté des locaux dans environ 50 % des établissements, qui peut par exemple se traduire par une absence de climatisation, des problèmes matériels chroniques ou encore des conditions de travail loin d’être optimales, contribue à accentuer le phénomène de stress et à dégrader le quotidien des agents.

Enfin, dernier paramètre, les cycles de travail hebdomadaires en vigueur qui se caractérisent par des horaires décalés et parfois des enchaînements matin-nuit, génèrent là aussi du stress avec des temps d’adaptation insuffisants, des décalages permanents dans la prise de repas et l’absence de cycles de sommeil récurrents.

Quelles sont les mesures d'accompagnement qui, selon vous, doivent être mises en place pour canaliser le stress au travail et permettre un meilleur équilibre de vie du personnel de l'administration pénitentiaire ? 

Le premier levier auquel je pense, c’est l’amélioration des conditions de travail avec la mise en place de cycles horaires moins perturbants pour les organismes, des temps de récupération plus importants et la généralisation de plannings à l’année qui permettraient à chacun de se projeter plus facilement.

Le second levier concerne le déploiement de formations et l’instauration de temps de répit. Cours de boxe, séances de relaxation, exercices de sophrologie, autant de mesures qui permettent de lutter contre le stress et que nous avons testées avec succès.
Le dernier levier consisterait à augmenter les temps d’échanges, de partage et de cohésion, à l’instar des formations TOP (Techniques d’Optimisation du Potentiel) développées par le service des armées et reprises par nos homologues policiers afin de lutter contre le stress en service. 
Toutefois, le manque de moyens financiers et de personnels dédiés limite nos possibilités. Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui nous connaissons les causes du stress au travail. C’est un bon début. Il nous reste désormais à prendre les bonnes décisions pour améliorer la situation.

Que peuvent faire les mutuelles telles que la MMJ pour accompagner le traitement du stress au travail ? 

C’est à la fois simple et compliqué. La MMJ peut agir préventivement en mettant en place et en prenant en charge, au moins en partie, des actions d’information et de sensibilisation au sein des juridictions et établissements du ministère avec par exemple des journées dédiées au yoga, au taï shï ou à la sophrologie, encadrées par des professionnels.
Elle peut aussi faciliter l’accès au sport de ses adhérents grâce à des conventions avec des salles de musculation et de fitness ou des clubs de sports de combat, sachant que le sport permet d’évacuer les tensions générées au travail. Elle peut enfin jouer pleinement son rôle de conseil et orienter ses adhérents vers des structures et des professionnels de santé, spécialisés dans le traitement du stress.


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Antonio Da Silva en 3 dates clés

Juin 1999
Entrée dans l’administration pénitentiaire.

6 avril 2009
Naissance de sa fille.

Juillet 2015
Validation pédagogique en qualité de responsable de formation.

 

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