les écrans sont nocifs pour les enfants
Les écrans font partie de notre quotidien et, en cette rentrée, c’est l’heure pour beaucoup de parents d’établir de bonnes habitudes pour leurs enfants. Alors : écran ou pas ? Jonathan Bernard, chercheur épidémiologiste à l’Inserm, nous éclaire sur le sujet.
Les enfants et adolescents passent-ils trop de temps sur les écrans, comme on le lit un peu partout ?
J. B. : Cela dépend beaucoup de l’âge. En France, les enfants âgés de 3 à 6 ans passent en moyenne près de deux heures par jour devant les écrans, soit plus que la recommandation de ne pas dépasser une heure quotidienne. Ensuite, le temps augmente avec l’âge et les adolescents y restent en moyenne jusqu’à cinq heures. Pour les enfants de 2 ans, nous montrons dans nos études que neuf enfants sur dix sont exposés aux écrans, surtout la télévision. Deux enfants sur trois la regardent tous les jours. Mais dans des temps courts, pour la grande majorité inférieure à une heure par jour, en moyenne 30 à 45 minutes par jour, ce qui est plutôt modéré. Un bémol cependant : environ 2% d’enfants regardent les écrans plus de quatre heures par jour, c’est très élevé mais, heureusement, c’est une minorité.
Beaucoup d’études parlent de risques pour le développement de l’enfant, qu’en pensez-vous ?
J. B. : Il y a eu énormément d’études sur le sujet, mais il faut nuancer. De notre côté, nous avons constaté qu’il y avait un réel impact sur le surpoids car pendant que l’enfant ou le jeune est sur son écran, il ne fait pas d’activité physique et a tendance à grignoter gras et sucré. Pour le sommeil, une majorité d’études corroborent le fait que les écrans avant d’aller au lit ont tendance à repousser l’heure de coucher. D’où une diminution de la durée de sommeil, mais aussi de sa qualité. Cela à cause de la lumière bleue qui perturbe le rythme circadien. Mais aussi tout simplement parce que les écrans captivent l’attention et font que l’on repousse l’heure du coucher.
Pour le reste, notamment ce que l’on a pu lire sur le développement neurologique, il y a beaucoup à dire. S’agit-il de langage, de motricité, de mémoire, d’attention…? Sur quelles tranches d’âge, quels contenus et milieux sociaux portent ces études ? Les parents sont-ils présents lors de l’exposition aux écrans ? On ne peut pas tout comparer en bloc.
Justement, quels conseils leur donneriez-vous en cette rentrée ?
J. B. : Je suis partisan d’être vigilant mais de ne pas paniquer. Je leur dirais que les écrans font partie de nos vies et qu’il peut y avoir des effets positifs si on en fait bon usage. Sauf chez les très jeunes (avant 2/3 ans). La recommandation « pas d’écran avant 3 ans » figure d’ailleurs dans les carnets de santé. Mais là encore, il ne s’agit pas de priver les petits de leur moment en visio avec leurs grands-parents.
Après, certains programmes éducatifs peuvent avoir des effets positifs sur les apprentissages. C’est le cas de certains jeux vidéo qui peuvent développer les réflexes, la capacité de prise de décision et également la résolution de problèmes. Pendant le confinement, les écrans ont permis de garder les liens et de continuer les apprentissages.
Et la télé ?
J. B. : Nos études ont révélé qu’une fréquence plus élevée de télévision allumée (regardée ou allumée en fond sonore ou visuel) pendant les repas de famille était associée à de moins bons résultats en matière de langage. Par exemple : le niveau de langage à 2 ans était plus faible chez les enfants « toujours » exposés à la télévision pendant les repas de famille par rapport aux enfants qui ne l’étaient « jamais ». À 3 et 5 ans et demi, les évaluations de langage et le quotient intellectuel verbal étaient meilleurs chez les enfants « jamais » exposés à la télévision pendant les repas de famille, par rapport à ceux qui l’étaient « souvent » ou « toujours ». La télévision a tendance à réduire les interactions entre les parents et les enfants. Dans ce cas, les parents ont un rôle primordial à jouer, de régulation, d’information des contenus.
Votre conclusion ?
J. B. : Je dirais que les recommandations en matière d’écran doivent adopter les mêmes principes qu’en matière d’alimentation : on peut boire un verre de soda de temps en temps pour se faire plaisir mais pas un litre par jour. C’est un peu pareil pour l’exposition aux écrans : il convient d’accompagner les enfants vers un usage modéré et plus qualitatif des écrans.
Marilyin Perioli pour Viva Magazine.