Magistrat au tribunal judiciaire de Créteil : reportage avec Sylvain Bottineau
Rendez-vous est pris dans un lieu hors du temps, au détour d’une porte cochère de la place de Clichy, où l’agitation de la vie parisienne s’efface pour laisser place à un passage entouré de verdure où se niche un atelier centenaire, dans lequel on restaure, on répare et on entretient les pianos d’exception.
C’est dans ce refuge que Sylvain Bottineau, magistrat et pianiste, nous reçoit et partage avec nous ses deux passions.
Que vous inspire le mot " juste " ?
Le mot « juste » m’inspire une façon de mener sa vie conformément à des principes, qu’ils soient moraux ou religieux. C’est aussi une notion qui renvoie au respect des droits fondamentaux et à la protection des plus vulnérables. La justice a pour fonction principale de rétablir ce qui est juste, c’est-à-dire de rétablir un équilibre.
Comment votre parcours professionnel s'est-il construit ?
J’étais professeur de piano au conservatoire national de région à Toulouse. Quand j’ai compris que je ne serai pas pianiste concertiste, j’ai commencé des études de droit à l’université de Toulouse et ai obtenu le certificat de capacité en droit. J’ai eu alors un deuxième coup de foudre pour le droit, le premier étant la musique.
J’ai commencé ma carrière de magistrat comme juge correctionnel et président de correctionnelle, principalement dans la chambre des violences intrafamiliales au tribunal de grande instance de Meaux.
J’ai ensuite exercé un long moment la fonction de juge d’instance (qui s’appelle aujourd’hui le juge des contentieux de la protection), qui est le juge des litiges de la vie de tous les jours, c’était à Montreuil. Puis j’ai été juge chargé de l’administration du tribunal d’instance de Lagny-sur-Marne. Dans ces fonctions, je me suis particulièrement investi sur le sujet des personnes bénéficiant d’une mesure de protection (curatelle, tutelle).
Enfin, pendant deux ans, je suis parti en détachement, et ai été sous-directeur à la direction générale de la cohésion sociale qui s’occupait notamment des mesures de protection. Actuellement, j’occupe des fonctions pénales au tribunal judiciaire de Créteil.
Une rencontre qui a marqué votre carrière ?
Je citerais Éric Négron, que j’ai rencontré quand il était premier président de la cour d’appel de Montpellier, avant qu’il ne passe à la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
C’était un grand magistrat, un humaniste, un homme de conviction. Il est décédé très brutalement… Je pense qu’il a laissé un vide pour toute la magistrature. Il nous a beaucoup aidés à développer l’association Tout en mesure, de laquelle il a été président d’honneur.
Vous évoquez Tout en Mesure, l’association que vous avez fondée pour promouvoir la musique classique, pouvez-vous nous en parler ?
Notre idée était de fonder une association de grands amateurs pour faire connaître la musique classique, qui a finalement un champ assez restreint en France. Nous souhaitions donc diffuser la musique classique dans des lieux où elle n'a pas l'habitude d'être.
Dans l’association, nous sommes un certain nombre à être magistrats, avocats, ou personnels de justice. Nous avons beaucoup joué dans les palais de justice, mais nous jouons aussi à l’université, à l’hôpital et, plus classiquement, dans des salles de concert. Avec Tout en mesure, nous voulons faire connaître une musique classique un peu différente, perfectible, qui raconte une histoire et qui touche le public.
Quel lien faites-vous entre votre métier et votre activité de pianiste ?
Je vois deux points de rapprochement. Le premier : musique et droit peuvent s’appréhender comme des matières exclusivement techniques. Le juge est un technicien, on ne peut pas juger si l’on n’est pas très bon juriste.
Même chose pour le pianiste. Seulement, le juge et le musicien exclusivement techniciens vont manquer de sensibilité. La technique est indispensable mais elle est un moyen pour être juste, aussi bien en musique qu’en magistrature.
D’ailleurs – et cela m’amène à mon deuxième point – pour moi, le musicien juste, ce n’est pas celui qui ne va pas faire de fausse note, c’est celui qui va restituer quelque chose de l’auteur. Juges et musiciens font alors la même chose : ils interprètent !
Comment voyez-vous l’évolution de votre activité ?
La justice est en pleine évolution et en pleine transformation, mais je pense qu’il faut absolument garder les fondamentaux du métier : la défense, sous toutes ses formes, des droits fondamentaux des justiciables.
Pour la suite, la question des moyens est présente, mais pas que. Il y a aussi le comment on va travailler demain. J’entends par là que, quand on est en interaction sur des affaires très dures, il est important d’avoir des sas de décompression. La question de la qualité de vie au travail est donc essentielle dans nos métiers.
Pianos Nebout & Hamm
Fondée en 1912, la maison Nebout & Hamm est un atelier familial centenaire spécialisé dans le piano. De l’entretien courant à la restauration complète dans la plus grande tradition de la manufacture française, des pianos anciens aux pianos neufs, les ateliers Nebout & Hamm font vivre la passion des pianos et de la musique.