Opioïdes : faut-il en avoir peur ?
Un rapport récent de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) alerte sur l’augmentation de la consommation des antidouleur opioïdes en France, ces antalgiques très addictogènes à l’origine d’une crise sanitaire sans précédent aux Etats-Unis. Si l’on est encore loin de la situation américaine, la vigilance s’impose.
es vingt dernières années, la prise en charge de la douleur a beaucoup progressé en France. Mais avec l’explosion des prescriptions d’antalgiques opioïdes, ces médicaments dérivés de l’opium devenus première cause d’overdose dans notre pays, il semble y avoir un prix à payer. Dans un rapport publié au mois de février, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) révèle que ces antidouleur ont été prescrits à près de 10 millions de Français en 2015. Dans cette famille de médicaments, c’est le tramadol, considéré comme opioïde faible, qui est le plus consommé (+ 68 % entre 2006 et 2017), suivi de la codéine en association et de la poudre d’opium associée au paracétamol. Parmi les opioïdes forts, l’oxycode enregistre une hausse spectaculaire de 738 %, toujours entre 2006 et 2017. Au total, les prescriptions d’opioïdes forts (morphine, oxycodone et fentanyl) ont bondi de 150 %.
Risque de complications graves
Or, rappelle l’ANSM, si ces médicaments ont « un intérêt majeur et incontestable dans la prise en charge de la douleur et restent moins consommés que les antalgiques non-opioïdes (paracétamol, aspirine, AINS) », leur mésusage peut « s’accompagner de complications graves » comme une dépression respiratoire pouvant conduire au décès. Les complications médicales et l’augmentation des intoxications liées à ces médicaments touchent principalement des « patients […] qui développent une dépendance primaire à leur traitement et parfois le détournent de son indication initiale », note l’agence. Le plus souvent, il s’agit de personnes, surtout des femmes, souffrant de douleurs aiguës chroniques comme les maux de dos ou les douleurs liées à l’arthrose. Le nombre d’hospitalisations liées à la consommation d’antalgiques « a augmenté de 167 % entre 2000 et 2017 passant de 15 à 40 […] pour un million d’habitants ». Le nombre de morts a quant à lui progressé « de 146 % entre 2000 et 2015, avec au moins quatre décès par semaine », soit environ un millier chaque année.