Reportage sur le terrain : Laurent Ridel, Directeur de l'Administration Pénitentiaire
Directeur de l’Administration pénitentiaire depuis mars 2021, Laurent Ridel a été plusieurs fois directeur d’établissements pénitentiaires et directeur interrégional des services pénitentiaires. Depuis son entrée en fonction, il se bat pour une meilleure reconnaissance des métiers pénitentiaires. Rencontre avec un homme engagé.
Que vous inspire le mot "juste"
Après 37 ans passés au ministère de la Justice, le mot « juste » a forcément un écho particulier et m’évoque une valeur positive. « Juste » c’est la droiture, l’équité, la justice, mais aussi l’humanité, et le respect de la loi et des autres.
Parmi les idées répandues sur votre métier, lesquelles vous semblent injustes ?
Nous menons une mission noble de protection de l’ensemble de nos concitoyens, cependant le regard porté sur l’ensemble des fonctionnaires pénitentiaires est un regard injuste. Nous souffrons d’une certaine ignorance de la réalité de nos fonctions et parfois même de mépris, ce que je trouve très injuste et que je combats.
L’administration pénitentiaire est une des institutions les plus contrôlées et les plus transparentes. Aucune institution n’a autant évolué en l’espace d’une génération. Prenez la question du droit des détenus. Il y a une trentaine d’années, les détenus n’avaient aucun droit. Avec la loi pénitentiaire, sur 100 articles, 40 sont réservés au droit des détenus. Ce sont des droits réellement exercés.
Par ailleurs, au niveau des métiers proposés par l’administration, il existe de nombreuses possibilités. Un surveillant peut maintenant faire partie du renseignement pénitentiaire, devenir maître-chien dans une brigade cynotechnique ou membre d’une équipe d’élite d’intervention et de sécurité avec les ERIS, travailler sur la voie publique, armé, pour conduire les détenus au tribunal, ou enfin travailler en milieu ouvert. C’est autant de missions nouvelles et souvent ignorées exercées par l’administration pénitentiaire.
Une phrase pour décrire votre attachement à votre métier ?
J’ai embrassé cette carrière car je souhaitais avant tout faire un métier utile, et le métier que font les fonctionnaires pénitentiaires l’est tout particulièrement pour notre société. Je souhaitais aussi exercer dans un domaine qui ne soit pas purement administratif, les métiers pénitentiaires sont des métiers d’aventures humaines, de vrais métiers de service public et non pas des métiers de bureaucrates.
Ici, pas un jour ne ressemble à un autre jour, on ne sait pas ce qui va arriver le matin quand on se lève, mais le soir on sait pourquoi on est venu travailler. C’est un métier dans lequel on ne peut rester que par passion, car extrêmement exigeant. C’est le service public sans la routine.
Selon vous, quel est le combat le plus juste à mener pour l'avenir ?
Dans le cadre de mon métier, il s’agirait bien sûr de poursuivre le travail de reconnaissance de la mission pénitentiaire et de ceux qui la servent. C’est vraiment le combat de ma carrière. En tant que citoyen, je suis assez préoccupé par la perte de repères et de fraternité qui se développe dans notre société, avec un repli sur soi et un certain égoïsme.
Quand j’ai débuté ma carrière, ce que nous redoutions le plus c’était le mouvement collectif, la mutinerie. Aujourd’hui, l’individualisation de la société se retrouve aussi dans les prisons avec la montée des agressions individuelles. C’est à notre République de reproduire un espoir commun et des valeurs communes partagées, avec des institutions capables de porter et de faire partager ses valeurs.
"Je souhaitais avant tout faire un métier utile. Le métier que font les fonctionnaires pénitentiaires l'est tout particulièrement pour notre société "
Comment décririez-vous l'utilité des métiers que vous avez exercés ?
Il y a quelques années une campagne de recrutement pour les surveillants pénitentiaires avait pour slogan « Quelle société pourrait se passer de vous ? ». Je trouve que cette formule résume tout à fait l’utilité de l’administration pénitentiaire et son rôle éminent pour le maintien de l’équilibre social. Nous contribuons à la sécurité des concitoyens, et la sécurité est la condition préalable de tous les autres droits. Les fonctionnaires pénitentiaires, au sein du ministère de la Justice, représentent le droit et portent les valeurs de la République.
Si vous pouviez tout recommencer, choisiriez-vous le même métier ?
Je ne regrette rien et si c’était à refaire, je choisirais à nouveau cette carrière. Ma vie professionnelle a été faite de rencontres et d’opportunités. J’ai eu la chance de faire des missions extrêmement variées dans cette administration, d’un point de vue géographique, outremer et en métropole, mais aussi en travaillant à l’administration centrale à plusieurs reprises et en établissements.
Par ailleurs, un des fils rouges de ma carrière dans l’administration pénitentiaire a été un sentiment de solidarité, face au danger ou la pression qui existe, j’ai toujours eu le sentiment d’une conscience collective de la nécessaire solidarité et du travail en équipe.