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Témoignage

Reportage terrain avec Loïc Bobet, surveillant pénitentiaire

Jeudi 29 octobre 2020

Loïc a 34 ans, il est surveillant pénitentiaire dans un établissement de l’Est. Après une expérience dans l’armée, puis un parcours comme commercial, il devient surveillant pénitentiaire en 2014. Un métier qu’il a choisi par respect pour l’uniforme et la discipline, mais aussi pour les rapports humains. Il répond à nos questions.

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« Dans notre métier, le respect se gagne au quotidien, en étant juste. »

Que vous inspire le mot « juste » ?

Le mot « Juste » me renvoie d’abord à la notion d’égalité entre les Hommes et plus spécifiquement dans nos métiers à l’égalité de traitement pour toutes les personnes détenues. Dans mes fonctions, je considère que je ne suis pas là pour juger les gens, ni les punir, je suis là pour les garder. Peu importe ce que les personnes détenues ont pu faire, leur sanction, c’est la privation de liberté et c’est tout.

De quelle manière suivez-vous une ligne de conduite juste dans l’exercice de votre métier ?

Je pars du principe qu’à partir du moment où je suis réglo au sein de l’établissement, on sera aussi réglo avec moi à l’extérieur. Ici, je garde une certaine distance avec les personnes détenues. J’insiste pour continuer à les appeler « monsieur ». Le jour d’une libération, je serre toujours la main à un détenu et je lui souhaite bonne chance pour la suite. Autre point important, je ne fais jamais de fausse promesse. La personne détenue, si on lui fait des promesses, elle va cogiter à l’intérieur de sa cellule, elle n’a que ça à faire. Et à partir du moment où les promesses ne sont pas tenues, la situation peut devenir dangereuse. Dans notre métier, le respect se gagne au quotidien, en étant juste.


Juste quelques mots pour décrire votre attachement à votre métier ?

Ce métier, je l’ai choisi en ayant déjà une certaine expérience. J’ai pu y réfléchir, je l’ai préparé, ce n’est absolument pas un métier alimentaire. Je prends plaisir à aller au travail et c’est très important pour moi. J’apprécie la diversité du métier : on peut être surveillant d’étage, gérer les cantines, ou encore gérer le courrier. En ce moment, par exemple, je suis affecté au quartier de semi-liberté, mais avant, dans une autre structure, je suis passé par le quartier arrivants. Je pourrais aussi travailler au quartier mineur, et pour la suite, j’envisage de devenir moniteur de sport… Il y a beaucoup de possibilités et pas le temps de s’ennuyer.


Juste un conseil à donner à des jeunes professionnels ?

C’est au quotidien que l’on apprend à se faire respecter et à respecter l’autre. Malheureusement, le savoir-être ne s’apprend pas sur les bancs de l’école. Nous avons tous à apprendre de chacun, autant des collègues que des détenus. Je pense que ce qui fait un bon surveillant, c’est d’être à l’écoute de l’autre et de garder cette ligne de conduite tout au long de sa carrière.

Le combat le plus juste à mener pour l’avenir ?

Sans hésiter, c’est le combat pour la préservation de la planète et de la biodiversité. Il faut d’urgence que nous protégions nos ressources et que nous arrêtions de surconsommer. C’est une cause pour laquelle je suis vraiment engagé personnellement. J’achète en vrac et local, je limite ma consommation à mes besoins. Dans l’établissement pour lequel je travaille, nous avions associé les détenus à une action de préservation de l’environnement en allant nettoyer la forêt. La preuve que ce type d’initiative peut aussi être mis en place en milieu carcéral.


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L’idée la plus injuste de notre époque ?

Voir des enfants souffrir et ne pas avoir la chance de grandir en bonne santé me paraît vraiment injuste. Je soutiens une association qui se bat pour sauver la vie d’un enfant atteint d’une maladie orpheline : Viiivre entre piqûre et grenadine. Pour les aider à récolter des fonds, je pars réaliser un défi sportif en Corse pendant mes vacances. Rassembler autour de cette cause et pouvoir aider la recherche à avancer, c’est ma façon de lutter contre une forme d’injustice.


« IL NOUS EST DEMANDÉ DE RÉUSSIR LÀ OÙ LA SOCIÉTÉ A ÉCHOUÉ »

Joël Biyagon est chef d’établissement. Il a débuté en tant que surveillant depuis maintenant 34 ans. En fin de carrière, il nous livre son regard sur son métier. 

« Le métier de surveillant pénitentiaire est un métier tourné vers l’humain. Je vais vous citer une anecdote qui résume bien les clichés sur notre métier. Il y a quelques temps, un film a été tourné dans notre établissement et les surveillants jouaient leur propre rôle. Il leur a été demandé de refaire une scène, car ils étaient trop souriants lors de l’accueil des familles. Ce que voulait le réalisateur c’était des mines patibulaires. La prison est souvent fantasmée, la réalité est plus nuancée… Nous exerçons un métier où l’humain est au cœur. Il nous est demander de réussir là où la société à échouer, ce n’est pas rien ! »

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