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Témoignage

Reportage terrain avec Olivier Boudier, Directeur pénitentiaire d'insertion et de probation

Mercredi 10 juillet 2024

En France, chaque personne placée sous main de justice est suivie par un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation. Un volet de l’activité pénitentiaire souvent méconnu du grand public, pourtant indispensable à la réinsertion des individus pris en charge. Olivier Boudier, directeur adjoint du SPIP du Pas-de-Calais, lève le voile sur un métier passionnant, indispensable à la bonne marche de la société.

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Olivier Boudier

Quel est votre parcours professionnel ?

La surpopulation carcérale est telle qu’elle nuit au bon exercice de la mission du SPIP. Les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation travaillent dans des conditions dégradées, leur impact s’en trouve limité. 

Il y a deux solutions à cela : soit construire davantage de prisons, soit développer des types de peines autres que de l’emprisonnement. Nous n’avons pas assez expérimenté dans le domaine des peines restrictives de liberté. Il m’apparaît important de renforcer le milieu ouvert.

Quelles sont les valeurs qui vous guident au quotidien ?

Ce sont des valeurs de solidarité, d’humanisme et de compréhension de l’autre, avec une bonne dose d’optimisme – même s’il faut rester réaliste – et de pugnacité pour faire face au découragement. La réinsertion, ce n’est jamais garanti ! On peut vite céder à la frustration.

Comment décririez-vous l’attachement à votre métier ? 

J’adhère totalement à la mission du service pénitentiaire d’insertion et de probation : prévenir la récidive en participant à l’exécution de certaines décisions pénales.
Au-delà de la réinsertion sociale, l’idée est d’amener les personnes suivies à comprendre le processus d’infraction et à mettre en place des stratégies d’évitement. En qualité de directeur, je m’attache à accompagner les équipes pour leur permettre de travailler dans les meilleures conditions possibles. 

Autre facette du métier : la capacité à tisser des relations partenariales avec la société civile afin de mettre en place des dispositifs intégrant nos publics, qu’il s’agisse d’emploi et d’insertion professionnelle, de logement, de responsabilité parentale et de vie familiale…

Comment voyez-vous l'évolution de votre métier ? 

L’année 1999, date de la création des SPIP, est une étape majeure. S’il a toujours été question d’insertion et de probation – une notion née aux États-Unis en 1877 dans l’idée de tendre la main aux détenus –, cette date marque une vraie reconnaissance du métier au sein de l’institution pénitentiaire, qui était davantage vue sous l’angle de la garde et de la surveillance. La seconde étape clé de l’évolution de notre métier concerne l’adaptation de nos pratiques opérationnelles de prise en charge.


La direction de l’administration pénitentiaire a établi un nouveau référentiel sur la base de théories canadiennes ayant prouvé leur efficacité. Cela renforce l’idée que la « désistance », c’est-à-dire la sortie de la délinquance, est un processus complexe, long et émaillé parfois de rechutes. La privation de liberté, seule, ne saurait suffire. Enfin, parmi les enjeux spécifiques liés à notre activité, citons la pénalisation croissante des violences intrafamiliales. 

Les victimes font entendre leur voix et portent plainte : une avancée sociale majeure qui mobilise l’ensemble des acteurs. Pour prendre en charge les personnes condamnées pour ce type d’infractions, de plus en plus nombreuses, nous avons développé des formations et des outils adaptés.

Quel combat mener pour un monde plus juste ?

La surpopulation carcérale est telle qu’elle nuit au bon exercice de la mission du SPIP. Les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation travaillent dans des conditions dégradées, leur impact s’en trouve limité. Il y a deux solutions à cela : soit construire davantage de prisons, soit développer des types de peines autres que de l’emprisonnement. Nous n’avons pas assez expérimenté dans le domaine des peines restrictives de liberté. Il m’apparaît important de renforcer le milieu ouvert.

Quel est pour vous le sens du mot « juste » ?

C’est un idéal à atteindre, indispensable à notre société et à la cohésion sociale. Dans le cadre de mon activité, être juste conduit à trouver le bon équilibre pour donner du sens à la peine encourue par l’individu coupable d’une infraction.

« En qualité de directeur, je m’attache à accompagner les équipes pour leur permettre de travailler dans les meilleures conditions possibles. »

Quel conseil donneriez-vous à un jeune directeur de SPIP ?

Lorsqu’on est directeur d’antenne, on peut vite se sentir seul. Il ne faut pas céder à l’isolement ! Le SPIP du Pas-de-Calais rassemble 13 directeurs, nous nous rencontrons une fois par mois pour échanger.

Une rencontre qui vous a marqué ?

J’ai eu la chance d’assister à une conférence organisée par l’Assemblée nationale, en 2006, et à une intervention de Robert Badinter sur la condition pénitentiaire. Sa détermination me porte au quotidien.

Votre mutuelle fête ses 80 ans cette année. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

La longévité d’une structure fondée sur des valeurs d’entraide et de solidarité, ça ne peut qu’être une bonne nouvelle !