Responsable de la bibliothèque du Tribunal de Paris : Reportage avec Carole Watorek
Responsable de la bibliothèque Robert Badinter du tribunal judiciaire de Paris depuis 2017, Carole Watorek passionnée par son métier fait vivre au quotidien les fonds de la superbe bibliothèque du nouveau tribunal. Son dynamisme et sa détermination dépoussièrent l’image souvent surannée des bibliothécaires.
Entretien avec une esthète amoureuse de la connaissance.
Comment votre parcours professionnel s'est-il contruit ?
Mon premier poste de bibliothécaire était à l’université des sciences de Versailles. Un poste tourné vers la recherche. Ensuite, j’ai travaillé à la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris en tant que responsable de la conservation. Le département de la conservation des collections est particulier car la bibliothèque Sainte-Geneviève possède d'importantes collections patrimoniales.
Après un passage au sein des équipes Gallica de la BNF – l’immense bibliothèque en ligne accessible à tous – j’ai été recrutée en 2017 au Tribunal de Paris. À l’époque, celui-ci était situé sur l’Île de la Cité. C’était un challenge important de prendre la direction de cette belle bibliothèque ! Très rapidement, il a fallu prendre la mesure des collections, découvrir les méandres du palais historique afin de préparer le grand déménagement de la bibliothèque dans le nouveau tribunal à Batignolles en mai 2018.
Votre attachement à votre métier en quelques mots ?
Être bibliothécaire, c’est avoir la ténacité de trouver la bonne information. Chaque jour est une surprise, on ne sait pas sur quoi on va travailler. La bibliothèque Robert Badinter est très spécialisée, avec des collections juridiques. C’est un service transversal qui sert l’ensemble des magistrats et des fonctionnaires du siège et des parquets (parquet national financier, parquet antiterroriste…), soit environ 1 500 personnes. Je suis amenée à travailler sur des sujets très variés.
Je peux mener une recherche sur une thématique civile qui traite d’une situation familiale, d’un divorce… et rechercher ensuite un élément concernant une fraude fiscale, ou encore des crimes contre l’humanité… L’attrait exceptionnel du travail au tribunal réside aussi dans l’aspect concret des demandes. À l’université, on travaille pour des chercheurs, des thèses. Ici, les recherches menées à la demande des magistrats portent sur des sujets qui font souvent l’actualité. Bref, c’est passionnant !
Comment voyez-vous l'évolution de votre activité ?
Les bibliothèques sont des lieux accessibles à tous où se forme une synergie autour des collections. Il est question de savoir, de divertissement, de partage, de découverte… Il y aura toujours une vraie différence entre une personne seule derrière son écran et quelqu’un qui vient en bibliothèque, lire, travailler, fureter, s’informer ou se divertir. Je pense que les bibliothèques vont devenir des lieux de vie aux pratiques plus diversifiées.
Pour les bibliothèques municipales, on parle souvent de « troisième lieu », avec des livres mais aussi des activités pour toute la famille, du plus jeune aux moins jeunes. À Paris, les bibliothèques sont surchargées, et pour faire face à cette demande, les pouvoirs publics souhaitent les ouvrir plus longtemps : le soir, la nuit, le dimanche… de nombreux bibliothécaires en perspective !
Un souvenir ou une rencontre qui a marqué votre carrière ?
Je citerais d’abord un livre, Grâce et dénuement d’Alice Ferney, qui m’a donné envie d’être bibliothécaire. Puis une rencontre qui m’a marquée : le professionnalisme communicatif d’une femme attachante et pétillante, Lucile Trunel, directrice de la bibliothèque Forney à Paris. Si vous ne connaissez pas cette bibliothèque située dans le Marais, la visite vaut le détour
Selon vous, quel est le combat le plus juste à mener pour l'avenir ?
Sans hésiter, la préservation du savoir, donc des collections, et la garantie de l’accès de tous à ces collections. Si les gens lisent et s’informent correctement, le monde ne pourra être que plus juste, parole de bibliothécaire !
Le trésor de la bibliothèque
La bibliothèque Robert Badinder possède quelques livres précieux comme le livre du procès de Damiens un ouvrage du XVIIIe siècle. Dernier régicide français, Robert François Damiens fut condamné par la Justice pour avoir tenté d’assassiner le roi Louis XV, il fut également la dernière personne, en France, à subir l’écartèlement.