Témoignage : Antoine Lefèvre, premier Questeur du Sénat - Sénateur de l'Aisne
Questeur du Sénat depuis octobre 2023 et rapporteur spécial du budget de la Justice au sein de la commission des finances, trois questions à Antoine Lefèvre, Sénateur de l’Aisne (Hauts-de-France).
Questeur du Sénat depuis 2023, en quoi consiste cette responsabilité ?
Les trois questeurs sont des sénateurs chargés de prendre toutes les décisions financières, matérielles et administratives relatives à la gestion interne du Sénat. Représentatifs des trois plus grands groupes politiques, ils sont élus par leurs pairs à chaque renouvellement triennal et font partie du Bureau du Sénat.
Leur mission doit être menée en toute indépendance. Les décisions qui nécessitent l’accord des questeurs comprennent un périmètre élargi qui s’étend des marchés publics à l’organisation des différents concours de recrutement des fonctionnaires du Sénat, en passant par les ressources accordées aux sénateurs pour leur permettre d’assurer leur mission.
C’est une responsabilité prenante, qui demande beaucoup de temps, mais très enrichissante d’un point de vue organisationnel.
Quelle est l'origine de votre fort intérêt pour le monde de la Justice qui se traduit par un poste de rapporteur spécial du budget du ministère ?
À mon élection comme sénateur en 2008, j’ai eu la chance de rejoindre la commission des lois, chargée d’examiner les projets et propositions de loi portant sur le droit, les libertés ou encore la justice. C’est là que j’ai développé un intérêt tout particulier pour l’institution judiciaire. C’est cela qui m’a permis, à ma réélection en 2014, d’être nommé rapporteur spécial du budget de la Justice au sein de la commission des finances que je venais alors d’intégrer.
La fonction de rapporteur spécial consiste à établir chaque année à l’automne, au moment de l’examen par le Parlement du projet de loi de finances, qui prévoit l’ensemble des dépenses de l’État pour l’année suivante, une sorte d’avis sur la crédibilité des dépenses et des recettes prévues par les ministères. Pour y parvenir, je peux organiser des auditions avec des acteurs du monde judiciaire (fonctionnaires, avocats, magistrats, syndicats) en vue de collecter des informations qui m’aideront dans ma prise de décision. Je peux aussi prévoir des visites dans certaines administrations pour m’assurer de la bonne affectation des dépenses.
Après plusieurs rapports sur l'administration pénitentiaire, que retenez-vous de vos travaux et de ce service public ?
Je dirais que le système pénitentiaire français est soumis à des vents contraires. L’opinion publique est très vindicative et demande à ce que plus de places de prison soient créées pour accueillir les auteurs d’infractions. Les acteurs qui connaissent la réalité du milieu carcéral, juges, surveillants pénitentiaires, savent que la peine d’emprisonnement n’a plus le sens aujourd’hui qu’elle avait dans le passé. D’un endroit de réinsertion et de réintégration sociale, la prison est passée aujourd’hui à un lieu qui attise les frustrations, favorise la violence et conduit bien trop souvent à la récidive. La mission sociale de la prison s’est érodée.
Dès lors, j’essaie de conserver une forme de distance avec les discours politiques qui promettent de régler définitivement le problème de la surpopulation carcérale grâce à la construction de seulement 10 000, 15 000, 20 000 places de prison en plus. Le problème est en réalité plus profond que cela : si des places nouvelles sont créées, alors elles finiront tôt ou tard par conduire à de la surpopulation. Le rapport que j’ai rendu à l’automne dernier sur le bilan des 15 000 places promises par Emmanuel Macron approfondit cette réflexion.
1966 Naissance à Düsseldorf d'un père français et d'une mère allemande
2001 Élection au poste de maire de Laon, préfecture de l'Aisne
2008 Élection comme sénateur de l'Aisne