[Parole d'expert] Véronica Giscon, cheffe du département sécurité et détention de Dijon
Selon la 2e édition du baromètre MMJ sur la qualité de vie au travail, presque 87% des agents du ministère de la Justice estiment que leur travail est fatigant sur le plan mental.
La fatigue mentale des agents s’explique bien sûr par la charge de travail importante qu’ils doivent absorber. Je le constate chaque jour dans mon département au sein duquel l’équipe s’investit sans
compter pour assurer le maintien de la sécurité et de l’équilibre dans le milieu pénitentiaire. Cependant, ce ressenti me paraît encore davantage lié à l’évolution rapide des conditions dans lesquelles les agents exercent leurs missions.
Le poids croissant des tâches administratives, pour lesquelles ils ont peu d’appétence, au détriment de leurs missions opérationnelles ; l’accroissement de la fréquence des réunions, l’omniprésence des outils informatiques, constituent des changements majeurs qui peuvent être mal vécus par les agents, qui n'en voient ni l'utilité ni l'intérêt. Ce mal-être est d'autant plus prégnant que nous sortons de deux années de Covid-19 qui ont bousculé nos organisations, sans nous laisser le temps d'accompagner les mutations, encore moins de nous y préparer.
La place et le rôle du manager sont importants pour aider les personnels à prioriser leurs tâches, à mieux s’organiser et donc à mieux vivre ces nouvelles missions. De même, la charge de travail doit être équitablement répartie entre l’ensemble des personnels. Il est possible de prévoir également un binômage sur certaines missions qui nécessitent une analyse plus conséquente pour lutter contre la perte de temps et d’efficacité, souvent interprétées comme une source de pression et d’accroissement de la charge mentale.
Le baromètre pointe un déficit d'information sur les sujets de santé, en particulier sur le sommeil, le stress et les troubles musculo-squelettiques. Sur la base de votre expérience, que pensez-vous de ce résultat ?
Faire passer les bons messages et donner les bons contacts est bien plus difficile qu’il n’y paraît. Une
piste d’amélioration serait de mieux préparer la visite périodique d’information et de prévention, en
portant davantage à la connaissance du professionnel de santé les caractéristiques des missions exercées par les agents et les conditions particulières dans lesquelles ils travaillent.
En appréhendant mieux les risques santé auxquels les agents sont exposés, ce dernier pourrait ainsi mieux adapter son approche et personnaliser les messages de prévention qu’il adresse à chacun. L’efficacité de la visite de prévention serait donc accrue, ce qui permettrait de donner à chacun les clés pour être pleinement acteur de sa santé. Une action de prévention porte d’autant plus ses fruits qu’elle est ciblée !
Quelles actions de prévention menez-vous pour améliorer le bien-être au travail ?
Avec le retour à la normale après deux années de crise sanitaire, j’ai pu lancer début 2022 une initiative qui me tient beaucoup à cœur : la Journée cohésion. Elle a lieu deux fois par an et réunit tous les agents du département, quel que soit leur métier ou leur grade. Chacun participe soit le matin, soit l’après-midi, de façon à ce que la continuité du service, soit assurée, et nous
déjeunons toutes et tous ensemble.
Cette journée à la fois collaborative et sportive vise trois objectifs complémentaires : lutter contre l’isolement ; renforcer la cohésion d’équipe et donner à chaque agent l’opportunité de pratiquer une activité physique, quel que soit son niveau de forme. Cette Journée ayant lieu pendant le temps de travail, toute l’équipe est invitée à participer.
C’est appréciable de se retrouver pour partager autre chose que la gestion des incidents de détention. L’objectif est vraiment de fédérer les énergies des 60 agents pour réussir ensemble. Comme le dit un proverbe africain qui, je le trouve, exprime parfaitement la force du collectif : « Tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin ».
Comment et sur quelles thématiques prioritaires la MMJ peut-elle vous accompagner pour améliorer la santé au travail ?
Dans mon précédent poste de Directrice des ressources humaines à Amiens, la MMJ s’est déplacée sur notre site pour déployer une campagne de prévention auprès des agents. Une opération très appréciée de tous. Lorsque je suis arrivée à Dijon pour prendre mon poste actuel, en août 2020, j’ai constaté que l’opportunité de faire intervenir la mutuelle n’était que très peu connue de mes collègues. Je pense donc que la MMJ a tout intérêt à communiquer davantage sur l’opportunité de réaliser des actions de prévention sur les lieux de travail, au contact direct des agents.
Les correspondants de la mutuelle pourraient jouer un rôle de relais pour faire connaître cette possibilité sur un maximum de sites sur tout le territoire français. La MMJ a toute légitimité pour parler prévention avec les agents du ministère de la Justice et sa présence nous aide beaucoup à passer les bons messages et à améliorer le bien-être au travail.
- Intégration de l'administration pénitentiaire en tant que surveillante à Fleury-Mérogis en mai 2008
- Directrice de ressources humaines à Amiens en septembre 2015
- Cheffe du département de la sécurité et de la détention à la Direction interrégionale des services pénitentiaires de Dijon depuis août 2020