Chef de choeur au tribunal judiciaire de Paris : reportage avec Valérie Höhn
Dans le décor solennel du tribunal de Paris, Valérie Höhn dénote : un manteau fuchsia, une énergie communicative et surtout une voix ! Choriste aux côtés de grandes vedettes avant de devenir chef de chœur pour le ministère de la Justice, puis au sein du tribunal de Paris, elle utilise aujourd’hui son art pour ramener harmonie et sérénité sur les lieux de travail.
Que vous inspire le mot "juste" ?
La chorale, c’est avant tout être ensemble, en harmonie. Ne pas laisser l’autre seul. Avant d’atteindre la justesse, il y a toujours une forme de chaos, et c’est en acceptant les faiblesses et les erreurs que tout finit par devenir juste. Être juste, c’est tenter d’être en cohérence : entre ce que je dis, ce que je pense et ce que je fais.
Comment votre parcours professionnel s'est-il construit ?
J’ai grandi dans un univers artistique. L’un de mes grands-pères était chef d’orchestre, l’autre peintre. Très jeune, la confrontation à la beauté m’a bouleversée. J’ai suivi des études au conservatoire, avant de me consacrer au chant lyrique. Choriste pour de grandes vedettes de la chanson, j’ai pu explorer des influences musicales très variées.
Un problème de santé m’a poussé à prendre un autre chemin. Devenir chef de chœur m’a semblé naturel : ce sont les interactions humaines qui m’ont toujours attirée.
Selon vous, quel est le combat le plus juste à mener pour l'avenir ?
Retrouver du respect et de la dignité dans ma profession de chef de chœur, après avoir vécu l'invisibilité en tant que chanteuse, m'a donné envie d'accompagner les autres et de les aider à restaurer une part sensible.
Aujourd'hui, en assumant mon rôle, je veux redonner aux femmes la possibilité de se réapproprier leur voix et de prendre leur place pleinement.
Comment êtes-vous devenue chef de chœur au sein du ministère de la Justice ?
Il y a sept ans, je dirigeais déjà plusieurs chorales. L’une des choristes, inspectrice générale au ministère, a initié la création d’une chorale au sein du ministère de la Justice.
Nous avons débuté dans la salle de sport ! Aujourd’hui, cette chorale existe depuis six ans et compte 70 membres. Il y a deux mois, j’ai été approchée par un magistrat du tribunal de Paris qui avait entendu parler de la chorale du ministère. Après une audition, la chorale du tribunal est née.
Quand on chante, les titres et fonctions disparaissent : il ne reste que les voix et les personnes qui résonnent ensemble.
Justement, en quoi la pratique du chant a-t-elle des effets bénéfiques sur la santé ?
Au ministère, dans les tribunaux, comme dans bien des lieux de travail, les équipes subissent une forte charge mentale et vivent un stress intense. Le chant est le média le plus universel qui soit : il permet d’abord une conversation intérieure avec soi-même, avant de devenir un moyen de conversation avec les autres.
Une conversation sonore bien sûr ! Littéralement, c'est le corps qui vibre et qui se met à vibrer ensuite avec les autres, un espace de détente se crée. Chanter libère des endorphines, ce qui augmente le bien-être. Chanter rend plus heureux !
Quelles sont les valeurs qui vous guident au quotidien ?
Le respect et la dignité sont les deux valeurs servent mon travail au quotidien. Être chef de chœur, c'est exercer une autorité qui s'enracine dans le respect de chaque individu. À travers mon rôle, j'espère offrir aux choristes un espace où ils peuvent retrouver souffle et sérénité.
Une rencontre ou un souvenir qui vous a marqué ?
La rencontre avec la beauté, dans mon enfance, grâce à mes grandspères, reste un souvenir fondateur.
Mais un moment particulièrement fort a eu lieu lors d’un concert que je donnais dans une maison de retraite.
Une dame atteinte d’Alzheimer, complètement hermétique au monde extérieur, a été émue aux larmes lorsque j’ai chanté What a wonderful world. Cette chanson a réveillé en elle un souvenir de jeunesse, l’a touchée…
Si vous pouviez tout recommencer, choisiriez-vous le même métier ?
J’aurais aimé faire plein de métiers. Artistiques, bien évidemment ! Même si malheureusement en France, les métiers artistiques sont peu respectés par rapport aux métiers intellectuels. Mais ce qui a toujours guidé ma vie, ce sont les rencontres. Finalement, le chant est un choix parfait : je parle souvent de la chorale comme d’un village. On se rapproche, on crée du lien, on dépasse les carcans occidentaux.