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Directeur du centre pénitentiaire de Fresnes : rencontre avec Jimmy Delliste

Mercredi 12 juillet 2023

Avec près de 2000 détenus, dont une centaine de femmes, le centre pénitentiaire de Fresnes est l'un des plus importants établissements du pays. Rencontre avec Jimmy Delliste, son directeur un homme issu du rang, aussi passionné qu'intarissable sur un univers qu'il a découvert un peu par hasard, voilà maintenant 35 ans.

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Jimmy Delliste, Directeur CP Fresnes

Quel a été votre parcours professionnel ?


J’ai commencé à travailler à l’âge de 19 ans : j’étais magasinier dans une entreprise du bâtiment. À 25 ans, je me suis dit qu’il fallait que je fasse autre chose. Au hasard d’une petite annonce dans un quotidien de la presse régionale, j’ai intégré l’administration pénitentiaire ici même, à Fresnes, en 1988, en qualité d’élève surveillant. Et je ne l’ai plus quittée ! J’ai ensuite été stagiaire au centre de détention de Melun, où j’ai été titularisé surveillant. J’y suis resté neuf ans. J’ai passé les concours et suis devenu officier en 1997. J’ai été affecté à Villepinte, puis à Villenauxela-Grande.

En 2000, on m’a proposé de prendre la direction de la maison d’arrêt de Montbéliard. Je suis par la suite passé par Évreux, Rouen, Val-de-Reuil, Lille-Loos, Saint-Étienne, Nanterre, l’Administration centrale… avant de prendre les rênes du centre pénitentiaire de Fresnes en juin 2019, comme un retour aux sources. J’ai occupé tous les grades de la filière sécurité de l’institution. Cette administration donne, à ceux qui en ont envie, la chance de pouvoir évoluer.

Le souvenir d'une rencontre qui vous a particulièrement marqué ?


Je pense à Sylvie Marion, aujourd’hui en fonction à la direction interrégionale de Lyon, que j’ai croisée alors que j’étais surveillant à Melun. « Vous n’allez pas rester surveillant toute votre vie, passez les concours » ! m’a-t-elle dit. Lorsqu’on est issu d’un milieu ouvrier, comme moi, on peut vite s’installer dans une forme de routine. Sous son impulsion, j’ai passé deux concours dans l’année. Je dis souvent qu’une carrière, ce sont des portes qui s’ouvrent ou qui se referment.

Lorsqu’on m’a proposé de prendre la direction de la maison d’arrêt de Montbéliard – mon premier poste de direction d’établissement, celui qui m’a mis le pied à l’étrier du commandement – j’ai eu 24 heures pour me décider.

Quel attachement portez-vous à votre métier ?

C’est un métier noble. Un métier de service public empreint de relations humaines. Pour faire ce travail, il faut aimer les gens tout en faisant preuve, bien sûr, d’une grande rigueur.

Il y a évidemment le poids de la fonction : le moindre événement engage la responsabilité du directeur d’établissement.

En quoi la prison est-elle utile à la société  ?


Une société sans prison, ça n’existe pas ! Outre la sécurité, l’établissement pénitentiaire œuvre à la prévention de la récidive et à la réinsertion. Nous travaillons en milieu fermé, mais nous préparons
la transition avec le milieu ouvert.

Je considère que la prison est une parenthèse dans la vie d’un homme. Quand le détenu a le déclic pour passer à autre chose, nous devons répondre présent avec des dispositifs d’accompagnement adaptés.

" Il y a la raison pour laquelle on entre dans l'administration pénitentiaire, et la raison pour laquelle on y reste "

Quel regard portez-vous sur l'évolution de l'univers carcéral ?


Lorsque la prison de Fresnes a ouvert ses portes, en 1898, la notion de châtiment était omniprésente. Le monde carcéral a depuis beaucoup évolué, le centre pénitentiaire de Fresnes, en particulier,
est un véritable laboratoire. L’évaluation des mineurs y a débuté il y a près d’un siècle, l’évaluation de la personnalité des majeurs condamnés à de lourdes peines à partir de 1950, l’évaluation de la dangerosité en 2010, la création d’une unité dédiée aux personnes radicalisées dès 2014…

Et au cours des 25 dernières années, nous nous sommes encore plus ouverts sur la société extérieure.
Des personnels du ministère de l’Éducation et de celui de la Santé, par exemple, et de nombreux représentants de la société civile ou du monde associatif interviennent dans nos murs.

Quels sont les enjeux de l'activité ?

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Jimmy Delliste interview

L’univers carcéral ne fait pas rêver, c’est l’une des difficultés rencontrées par l’institution. Bien souvent, les agents n’osent pas dire qu’ils travaillent en prison, alors que l’administration pénitentiaire recèle nombre de métiers très intéressants.

Il y a la raison pour laquelle on y entre et la raison pour laquelle on y reste. Nous travaillons beaucoup sur la prévention de la violence et sur l’organisation des services de façon à inventer un cycle de travail moins fatigant et plus respectueux de la vie familiale.

Le contenu des postes a aussi beaucoup évolué. Un surveillant ne peut plus être un simple porteclés. Il participe aux dispositifs de prise en charge et peut, par exemple, être amené à donner son avis dans les diverses instances de prise en charge. L’approfondissement des fonctions vient avec le temps, et nous sommes en mesure d’accompagner les agents pour que cela se passe au mieux.

Qu'évoque pour vous le mot juste ?


À brûle-pourpoint, la question m’évoque la chanson de Maxime Le Forestier : Né quelque part. Le monde est foncièrement injuste. Nous ne partons pas tous avec les mêmes chances au départ. L’administration pénitentiaire demeure, à ce titre, une institution encore capable de s’inscrire dans une démarche de méritocratie.

À l'occasion des 125 ans du domaine pénitentiaires de Fresnes a été organisé un colloque, les 21 et 22 juin 2023. Rencontre avec d'anciens chefs d'établissement, exposition, conférence, pièce de théâtre sur l'incarcération... Deux journées pour évoquer une riche histoire.

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